Le moment Madeleine : une critique de « Florence/Somerset » à la galerie Alice Wilds
29 août 2023 à 7h00 par Rafael Francisco Salas
Vue de l'installation de Florence/Somerset/Photo : Avec l'aimable autorisation de la galerie
Comme la madeleine de Marcel Proust, la plus petite des choses – une odeur ou l'inclinaison de la lumière – peut nous offrir l'expérience la plus profonde de mémoire et de nostalgie. Les artistes Breehan James et Barbara Sullivan ont pris le quotidien, une cabane familiale dans le nord du Wisconsin et les découvertes quotidiennes du monde domestiqué et naturel, et ont organisé ensemble une exposition d'une profonde clarté émotionnelle. « Florence/Somerset », au Alice Wilds de Milwaukee, est une enquête sur les comtés ruraux du Wisconsin et du Maine où ces artistes ont choisi de se concentrer sur leurs pratiques artistiques.
L’art contemporain superpose souvent l’ironie et la distance entre l’objet et le spectateur. Les artistes se protègent de la franchise émotionnelle grâce à la théorie, au sang-froid et au contrôle. Ce n’est pas le cas ici. James et Sullivan offrent une complexité visuelle et émotionnelle rencontrée au quotidien.
Breehan James est un peintre peintre. Diplômée du programme MFA de Yale en 2007, ce pedigree n'a pas diminué le lien avec son éducation dans un corridor industriel du Wisconsin. Son grand-père a construit une humble cabane dans les bois dans les années 1960 qui reste pratiquement inchangée, et James a choisi cet endroit pour « Cottage Book », la suite d'une enquête de près de vingt ans sur un lieu axé sur ses étés passés là-bas.
Breehan James, « Cottage Book : Tree on Tree », 2020, gouache acrylique sur papier marouflé sur panneau, 10″ x 13″/Avec l'aimable autorisation de la galerie
Les peintures font en effet écho aux pages d'un livre, ou peut-être à un récit filmique. Peints à la gouache sur papier, ils commencent par une image de la modeste cabane rousse comme si elle serpentait vers elle depuis l'allée. À partir de là, la série se déplace entre l’intérieur et l’extérieur, brisant souvent les compositions du macro au micro. Dans « Front Door », nous voyons l’image d’une porte moustiquaire jaune en perspective dans un cadre, puis un gros plan de Susans aux yeux noirs dans une colonne verticale à droite. La répétition jaune entre la porte et les fleurs fusionne ces vues contrastées. Le spectateur a l’impression de s’approcher de la porte et de regarder le sol en marchant.
Dans « Cottage Book 4 », nous voyons la silhouette rudimentaire d’un arbre découpé et collé sur le tronc écailleux d’un pin dans la cour. Un gros plan à droite, de ce qui semble être le mur extérieur de la cabane, fait écho à deux autres décorations d'arbres perchées au-dessus d'une sculpture lyrique de personnages en ciment. James semble enchanté par la prédilection de créer des interprétations de la nature tout en étant entouré par la nature elle-même. C'est un beau jeu de couleurs et de création. En fin de compte, ses peintures, tant dans leurs détails que dans leur ambiance, évoquent la nature familière, belle et inébranlable du chalet. À l’intérieur, la lumière d’une lanterne brille au milieu des objets éphémères qu’une famille collectionne depuis des générations. Parfois, les peintures semblent un peu trop consacrées aux sources photographiques, comme si James sentait qu'elle devait capturer chaque instant. Ce sont des observations minutieuses sur la poésie de ce lieu.
Barbara Sullivan, « Rug with Discarded Clothing », 2006, fresque polychromée en relief, 46″ x 68″ x 9″/Avec l'aimable autorisation de la galerie
Au-dessus et au-dessous de l'installation régulière et linéaire de la série « Cottage Book », Barbara Sullivan entrelace ses fresques en relief. Comme James, Sullivan oscille entre un engagement profond envers l'objet et le caractère poignant lyrique de ses sujets. La plupart de ses sculptures sont grandeur nature et comprennent des animaux sous la forme d'un faon endormi, de pics et d'une mouffette gaie. Il y a aussi des moments domestiques. Un lavabo de salle de bain blanc est rendu comme si le spectateur regardait d'en haut, rempli d'un pain de savon beige, d'un lave-ongles et d'un bouchon en caoutchouc. Au rez-de-chaussée de la galerie, une paire de Levi's et une paire de sous-vêtements roses à motifs floraux reposent sur un tapis tissé à rayures. La nature narrative banale mais pourtant lourde de cette sculpture témoigne d’une recherche et d’un sentiment profonds.